La pêche dans les eaux de l'archipel du Spitzberg / Svalbard
A.D.Mer (2016,XXI,199)
Paru le 01/01/2018
Michel Morin
Docteur en droit, Chercheur associé au Centre de droit maritime et océanique (Nantes) Résumé
L’archipel du Svalbard a été « découvert » par le navigateur néerlandais W.
Barents en 1596 et est devenu presque aussitôt après le siège d’une chasse intense à la
baleine, jusqu’à leur extermination presque totale. Cet archipel a été ensuite largement
ignoré au point d’être considéré terra nullius. En 1871, la Suède, à laquelle était
rattachée à l’époque la Norvège, a souhaité l’annexer mais elle s’est heurtée à
l’opposition de la Russie et le statut de l’archipel n’a pas changé. Face à la croissance
des activités humaines, notamment des activités minières (charbon), il est devenu
nécessaire, à l’aube du 20ème siècle, d’y établir une administration. Trois conférences
internationales se sont tenues à cet effet à partir de 1910 mais la troisième a été
ajournée à cause du déclenchement de la guerre. Finalement, le statut de l’archipel du
Spitzberg a été établi par le traité de Paris adopté en 1920 (orthographié Spitsberg
dans le traité), à la fin de la conférence de la paix.
Ce traité a reconnu la « pleine et entière souveraineté » de la Norvège sur l’archipel, mais celle-ci est limitée par le principe d’égal accès à tous les ressortissants des Etats Parties à ce traité à la pêche, à la chasse et à toute activité industrielle, minière ou commerciale. Cela donne un statut au caractère étrange qui a été amplifié quand la Norvège a créé en 1977 une zone de protection des pêches (ZPP) allant jusqu’à 200 milles marins au-delà des lignes de base de l’archipel.
La Norvège conteste que le principe d’égal accès s’applique dans cette ZPP. En y réglementant l’exercice de la pêche, elle y a notamment institué un système de quotas qui tient toutefois compte de la pêche traditionnellement effectuée dans les eaux en cause par les navires des Etats tiers. Cette réglementation est aussi encadrée par les mesures globales pour la mer de Barents qui sont adoptées par la commission mixte bilatérale Norvège – Russie instituée par le traité de Moscou de 1975. La mise en oeuvre de ces règles a donné lieu à diverses reprises à des arraisonnements de navire islandais, d’Etats membres de l’UE ou russes. Certaines affaires se sont poursuivies devant les tribunaux, dont deux sont allées jusqu’à la Cour suprême de Norvège.
L’existence de ces litiges devant les tribunaux montre que le traité de Paris ne constitue plus un cadre stable pour la gestion et l’exploitation des ressources halieutiques des eaux rattachées à l’archipel. Ce traité avait été rédigé dans l’esprit de l’époque, ce qui fait qu’il présente maintenant un caractère obsolète. Alors se pose la question de savoir comment il pourrait évoluer. Cela pourrait se faire par l’adoption d’un protocole à ce traité qui instituerait par exemple une commission de la pêche, composée des Etats Parties à la convention, qui aurait un rôle de proposition pour les mesures de gestion à adopter par la Norvège. Mais cette solution, qui apporterait de la sécurité juridique à la fois à la Norvège et aux navires qui viennent pêcher dans la ZPP, n’apparaît cependant guère faisable. En effet, d’autres problèmes seraient sousjacents pendant les négociations d’un tel protocole, notamment ceux liés à l’exploitation des hydrocarbures. De plus, il faut tenir compte du fait que la Russie n’a pas participé à l’élaboration du traité de Paris et n’en est devenue partie qu’en 1935. Ainsi, il est peu probable que ce traité, qui va bientôt fêter son centenaire, puisse évoluer. Dans ces conditions, la gestion de la pêche devrait continuer comme actuellement, parfois erratique et entrecoupée de négociations bilatérales entre la Norvège et l’Etat concerné, afin de résoudre les différends qui apparaissent à un moment ou à un autre.
Ce traité a reconnu la « pleine et entière souveraineté » de la Norvège sur l’archipel, mais celle-ci est limitée par le principe d’égal accès à tous les ressortissants des Etats Parties à ce traité à la pêche, à la chasse et à toute activité industrielle, minière ou commerciale. Cela donne un statut au caractère étrange qui a été amplifié quand la Norvège a créé en 1977 une zone de protection des pêches (ZPP) allant jusqu’à 200 milles marins au-delà des lignes de base de l’archipel.
La Norvège conteste que le principe d’égal accès s’applique dans cette ZPP. En y réglementant l’exercice de la pêche, elle y a notamment institué un système de quotas qui tient toutefois compte de la pêche traditionnellement effectuée dans les eaux en cause par les navires des Etats tiers. Cette réglementation est aussi encadrée par les mesures globales pour la mer de Barents qui sont adoptées par la commission mixte bilatérale Norvège – Russie instituée par le traité de Moscou de 1975. La mise en oeuvre de ces règles a donné lieu à diverses reprises à des arraisonnements de navire islandais, d’Etats membres de l’UE ou russes. Certaines affaires se sont poursuivies devant les tribunaux, dont deux sont allées jusqu’à la Cour suprême de Norvège.
L’existence de ces litiges devant les tribunaux montre que le traité de Paris ne constitue plus un cadre stable pour la gestion et l’exploitation des ressources halieutiques des eaux rattachées à l’archipel. Ce traité avait été rédigé dans l’esprit de l’époque, ce qui fait qu’il présente maintenant un caractère obsolète. Alors se pose la question de savoir comment il pourrait évoluer. Cela pourrait se faire par l’adoption d’un protocole à ce traité qui instituerait par exemple une commission de la pêche, composée des Etats Parties à la convention, qui aurait un rôle de proposition pour les mesures de gestion à adopter par la Norvège. Mais cette solution, qui apporterait de la sécurité juridique à la fois à la Norvège et aux navires qui viennent pêcher dans la ZPP, n’apparaît cependant guère faisable. En effet, d’autres problèmes seraient sousjacents pendant les négociations d’un tel protocole, notamment ceux liés à l’exploitation des hydrocarbures. De plus, il faut tenir compte du fait que la Russie n’a pas participé à l’élaboration du traité de Paris et n’en est devenue partie qu’en 1935. Ainsi, il est peu probable que ce traité, qui va bientôt fêter son centenaire, puisse évoluer. Dans ces conditions, la gestion de la pêche devrait continuer comme actuellement, parfois erratique et entrecoupée de négociations bilatérales entre la Norvège et l’Etat concerné, afin de résoudre les différends qui apparaissent à un moment ou à un autre.
Abstract
The status of the Svalbard archipelago has been established in 1920 by the Treaty of
Paris, which has recognised the full and absolute sovereignty of Norway over it.
However, that sovereignty is limited by the principle of equal access to nationals of all
Contracting Parties for fishing, hunting and any industrial, mining or commercial
enterprise. For fishing, the peculiarity of that status has been amplified in 1977 with the
institution of a Fisheries Protection Zone (FPZ) by Norway up to 200 NM off the
baselines. Rules adopted by Norway for the management and exploitation of fisheries
resources have led to litigation with vessels flying the flag of foreign countries, inter
alia Iceland, Russia and EU Member States. This shows that the Paris Treaty does no
longer constitute a stable framework for fishing activity. This treaty has become
obsolete and it would be appropriate to complete it with additional rules adopted
through a protocol. However, considering the geopolitical context of this archipelago,
the feasibility of such a protocol appears rather low.