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Par exemple A.D.Mer (2011,XVI,15)
A.D.Mer
     
Editions A.Pedone

13 rue Soufflot
75005 Paris

indemer@pedone.info
La principauté de Sealand : espace de non-droit et fiction de souveraineté
A.D.Mer (2014,XIX,15)
Paru le 20/12/2015
Philippe Ségur Philippe Ségur
Professeur de droit public à l'Université de Perpignan Via Domitia
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Résumé

La Principauté de Sealand a été proclamée en 1966 par un ancien officier de l’armée britannique sur une plateforme maritime de défense militaire abandonnée par le Royaume-Uni en Mer du Nord. L’ancienne forteresse se trouvait alors à sept milles nautiques de la côte, c’est-à-dire en haute mer. En 1987, par l’extension de sa mer territoriale, la Grande-Bretagne a inclus la plateforme dans sa zone d’influence. Malgré quelques tensions, cette situation n’a pas déclenché de conflit majeur. Jusqu’en 1987, le Gouvernement britannique a admis que le bâtiment se trouvait hors de sa juridiction tout en se refusant à reconnaître l’Etat de Sealand. Après cette date, la Couronne a fréquemment rappelé sa souveraineté sur cet ouvrage maritime sans jamais passer à l’acte pour y réaffirmer son autorité malgré la volonté effective de ses occupants de se soustraire à son ordre légal (création d’un paradis fiscal, d’un paradis de données numériques, d’un casino en ligne).
Entité minimaliste, Sealand revendique donc le statut de « micro-Etat » sans être reconnu par l’Etat voisin, mais sans être non plus réellement contesté par lui. Si la principauté a émergé à plusieurs reprises sur la scène nationale et internationale à l’occasion de faits-divers tels que le recours aux armes contre des navires britanniques, la détention forcée de ressortissants étrangers, un trafic de faux-passeports ou l’annonce du rachat de la plateforme par le site de partage de fichiers The Pirate Bay, ces événements n’ont jamais été appréhendés comme impliquant un État au sens classique du terme.
Sur le plan juridique, Sealand demeure, en effet, une entité incertaine : la plateforme ne peut être qualifiée de territoire, tandis que son occupation, tout en présentant certains caractères étatiques, ne répond pas pleinement à l’exigence d’effectivité posée par le droit international. Plus gravement encore, l’intégration de la principauté au sein de la communauté internationale se révèle inexistante. Malgré son indépendance de fait, Sealand n’a pu se faire reconnaître par aucun État ni par aucune organisation interétatique. Cette situation prive la principauté de sa capacité juridique internationale : elle ne dispose ni du droit de légation, ni d’un droit national opposable, ni de la capacité d’ester en justice.
L’indépendance et l’impunité relative dont ont pu jouir les occupants de la plateforme depuis 1966 s’expliquent alors par une stratégie de laisser-faire adoptée par le Royaume-Uni à l’égard de l’appropriation privative d’un bien abandonné. Cette situation, au départ légale, est devenue par la suite un problème politique à la fois trop mineur et trop sensible pour justifier un recours à la force.
Abstract

Since 1967, the Principality of Sealand, located on a maritime platform abandoned in the North Sea by the United Kingdom, claims the status of « micro-state » without being recognized by the British State, however it has never been really disputed by it. If the principality repeatedly appeared on the national and international stage with short news items and British or international law breaches, these events were never understood as involving a State in the classic sense. Indeed, Sealand is legally an uncertain entity: the platform cannot be qualified as a territory and its occupation, although presenting some state characteristics, does not completely fulfill the condition of effectiveness required by the international law.
Moreover, there is no integration of the principality within the international community. Despite its de facto independence, Sealand has not been recognized by any State or by any intergovernmental organization. This situation deprives the principality of its international legal capacity: it has neither the right of Legation, nor an enforceable national law, nor the capacity to go to court. The independence and the relative impunity enjoyed by the platform’s inhabitants for almost fifty years are then understandable as a laissez-faire strategy adopted by the United Kingdom regarding this private appropriation of an abandoned property. This situation, at first legal, has become afterward a political problem at the same time minor and sensitive enough to prevent the use of force.